Rendre accessible ses formations en ligne !

Julie Moynat est consultante en accessibilité web et développeuse de sites web accessibles. Au quotidien, elle milite pour un monde plus juste et accessible, et écrit des articles sur son blog « La Lutine du Web ». En 2021, Loriane Buffet et elle ont créé Copsaé pour créer des sites web directement accessibles, ainsi que pour accompagner les entreprises et associations dans la réalisation de projets web accessibles et dans la mise en conformité aux règles d’accessibilité. Aujourd’hui, Julie nous apporte son éclairage et ses conseils sur les règles d’accessibilité, entre normes et bonnes pratiques ! 

1/ Comment définiriez-vous l’accessibilité web ?

L’accessibilité web est ce qui permet aux personnes handicapées d’accéder à toutes les informations et d’utiliser tous les services d’un site web sans barrière. Pour cela, des règles ont été fixées. Leur objectif est d’adresser tous les handicaps. Par exemple :

  • Une personne sourde pourra regarder une vidéo grâce aux sous-titres ;
  • Une personne ayant un trouble de l’attention pourra lire le contenu d’une page web contenant des images animées en les mettant en pause ;
  • Une personne aveugle pourra se repérer dans une page web grâce à sa structuration en titres correcte ;
  • Une personne malvoyante pourra lire le contenu si la couleur de texte et la couleur de fond sont suffisamment contrastées entre elles ;
  • Une personne dyslexique pourra augmenter l’espace entre les mots, les lettres, les lignes, les paragraphes sans que les contenus ne finissent tronquer (la mise en page doit donc être flexible) ;
  • Etc.

2/ En quelques mots, pourriez-vous nous présenter l’outil de référence en France sur l’accessibilité, le RGAA ?

En France, les règles d’accessibilité que nous suivons se présentent sous la forme d’un référentiel : le RGAA, pour Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité. Il est édité par la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM).
Ce référentiel est technique et pas forcément facilement à la portée de tout le monde. On l’utilise notamment pour réaliser des audits d’accessibilité des sites web. En effet, depuis la loi de 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » (article 47, précisément), de nombreux organismes (publics, et un certain nombre d’organismes privés) ont des obligations légales d’accessibilité. Ce référentiel permet de connaître leur niveau de conformité et de mettre en place les corrections à appliquer (ou à appliquer les bonnes règles dès le départ puis à vérifier).
Le RGAA contient actuellement, dans sa dernière version 4.1.2, 106 critères auxquels on répond par « Conforme », « Non conforme » ou « Non applicable » en fonction des anomalies qu’on trouve ou pas dans un échantillon de pages web d’un site.
Il s’appuie sur la norme internationale WCAG (Web Content Accessibility Guidelines, souvent prononcée « wécague », les règles d’accessibilité pour les contenus web) qui existe depuis 1999. Cette norme est construite sur trois niveaux. Le RGAA ne reprend que les critères WCAG des deux premiers niveaux (niveau légal attendu pour les sites web concernés par la loi).

3/ Niveau A, AA, AAA pouvez-vous nous aider à comprendre ces trois niveaux ?

La norme WCAG est divisée en critères sur trois niveaux : A, AA (double A), AAA (triple A). Ces niveaux ne sont pas définis explicitement et il n’est pas forcément évident de comprendre à quoi ils correspondent vraiment. On retiendra que les critères de niveaux A et AA forment généralement un tout à respecter entièrement en matière de législation dans différents pays. Au niveau européen et donc en France, c’est le cas. C’est donc ce qui constitue la base pour qu’un site web un minimum accessible aux personnes handicapées.
Le niveau AAA contient des critères qui peuvent être parfois plus difficilement appliqués pour des raisons de budget (traduction des vidéos en langue des signes, audiodescription pour toutes les vidéos porteuses d’information…). Mais il contient aussi des règles assez simples à mettre en œuvre comme le fait de ne pas justifier les textes ou d’expliciter les abréviations. Selon les contextes, il peut être approprié d’en respecter au moins quelques uns. Une vidéo à destination des personnes sourdes gagnerait à être traduite en langue des signes, par exemple !
Les WCAG sont mises à jour au fil du temps, des découvertes, des évolutions technologiques. Toutefois, il arrive que certains besoins d’accessibilité n’y soient pas (encore) présents. Ainsi, il existe également des « bonnes pratiques » qu’on peut suivre en plus des règles. Par exemple, le fait de conserver les accents sur les lettres capitales pour conserver une bonne prononciation et compréhension.
Dans l’ordre, on veillera à suivre :

  1. Les critères de niveaux A et AA (minimum légal) ;
  2. Les critères de niveau AAA ;
  3. Les bonnes pratiques complémentaires.

En s’y prenant dès le début d’un projet, on peut tout à fait respecter des bonnes pratiques complémentaires et des critères de niveau AAA en plus de la conformité au minimum légal, parfois sans que ces règles supplémentaires ajoutent un surcoût ! C’est plus difficile (mais possible !) quand le projet est déjà terminé et qu’on veut le corriger.

4/ Pour faciliter la compréhension et mise en place de l’accessibilité d’un site web, il existe les notices AcceDe Web Qu’en pensez-vous et comment peut-on les utiliser selon vous ?

Les notices AcceDe Web sont effectivement un bon point de départ pour apprendre à réaliser un site web accessible. Elles peuvent faciliter la compréhension de l’accessibilité dans la mesure où elles sont rédigées dans un but pédagogique (qui n’est pas celui du RGAA). Elles s’appuient sur les critères du RGAA et donnent des exemples concrets illustrés.
Elles sont organisées par profil :

  • Les designers ;
  • Les développeurs et développeuses ;
  • Les contributeurs et contributrices de contenu dans le site.

Ainsi, chaque profil de métier peut comprendre ce qui le concerne. Ces notices peuvent servir pour un auto-apprentissage mais aussi en guise de « checklist » pour vérifier qu’on a fait les choses un minimum correctement.

5/ Quelles sont les évolutions prévues en 2023 ?

Les prochaines évolutions concernant l’accessibilité numérique en France vont concerner la loi et le RGAA.
Le 9 mars 2023, l’article 47 de la loi n°2005-102, évoqué plus haut, a été mis à jour pour transposer la directive européenne pour l’accessibilité des produits et services. Ainsi, de nombreux autres organismes privés vont être concernés par les obligations légales d’accessibilité numérique. Nous attendons encore le décret d’application de cette loi mais il semble bien qu’à partir de 2025, les organismes ayant un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros et employant au moins 10 personnes seront concernés et devront avoir, notamment, des sites web accessibles.
Par ailleurs, la norme WCAG a une mise à jour prévue pour 2023 pour passer en version 2.2. Le RGAA devra donc être mis à jour en conséquence (mais cela sera sans doute pour après 2023).

6 / Enfin, quels conseils donneriez-vous à un organisme de formation qui souhaite rendre accessible ses formations en ligne ?

Les notices AcceDe Web dont nous parlions plus haut ou n’importe quel autre guide ne peuvent évidemment pas représenter tous les cas de figure.Et, si l’auto-apprentissage est un passage nécessaire pour se former à l’accessibilité, il n’est pas une fin. Il me semble nécessaire de suivre une formation organisée par des personnes professionnelles de l’accessibilité numérique afin de s’assurer de bien comprendre les enjeux et complexités qui se cachent derrière. Pour bien comprendre ce qu’on fait, il faut comprendre le besoin d’accessibilité qui se cache derrière une règle et donc la façon dont les personnes handicapées naviguent sur le web.
Enfin, sur un projet, je recommande l’accompagnement des équipes aux différentes étapes de réalisation par des spécialistes de l’accessibilité numérique afin d’éviter d’avoir trop d’anomalies à corriger à la fin. C’est quelque chose que nous proposons chez Copsaé, par exemple, en plus des audits d’accessibilité. C’est également très formateur quand on peut échanger en direct avec les équipes.

Sources:

https://www.copsae.fr/
https://accessibilite.numerique.gouv.fr/ 

https://www.w3.org/Translations/WCAG21-fr/

https://www.accede-web.com/notices/

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000037388867/

 

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