Adeline LARVARON, Avocate Associée du cabinet LUSIS AVOCATS est spécialiste en droit social. Elle propose pour les lecteurs d’ATHEME Hebdo une analyse des différents types de contrats de travail pouvant être conclus avec un formateur.
La question de la forme du contrat de travail est centrale et récurrente dans le secteur de l’enseignement et de la formation, caractérisé par des contraintes et besoins spécifiques.En effet, l’intervention des formateurs est souvent requise de manière discontinue, en incluant des périodes d’inactivité, parfois pour une durée déterminée.
Dans ce cadre, il peut être recouru à différentes formes de contrats de travail nécessairement dérogatoires au CDI à temps complet « classique » afin de répondre aux différentes situations rencontrées.
D’une part, pour répondre à la discontinuité de l’intervention dans le cadre d’emplois permanents, deux principaux outils sont à disposition des employeurs :
- L’annualisation du temps de travail, à temps complet ou réduit, applicable à un contrat de travail de droit commun,
- Le contrat de travail intermittent
⇒ L’outil classique est le contrat de travail de droit commun, accompli dans le cadre d’une organisation « pluri hebdomadaire » du temps de travail. Ce dispositif requiert un accord collectif de branche (non nécessairement étendu) ou d’entreprise, organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine, au plus égale à l’année. Il permet ainsi une adaptation du rythme de travail des salariés à celui de l’activité, en prévoyant des périodes de haute ou basse (voire d’absence) d’activité. Il peut donc répondre donc à un besoin de travail discontinu. Il s’applique aussi bien aux salariés dont le temps de travail est décompté en heures (articles L3121-44 et suivants du Code du travail, ouvert à tous les salariés) qu’à ceux dont la durée du travail lest décomptée en jours (article L3121-58 du Code du Travail, impliquant un certain degré d’autonomie et de qualification du formateur, le plus souvent au statut cadre).
Les salariés peuvent aussi bien travailler à temps complet que partiel (ou temps « réduit » pour les salariés au forfait en jours).
En revanche, il implique une certaine prévisibilité et régularité dans le positionnement des périodes travaillées et est relativement encadré, notamment en cas de changement du rythme de travail planifié.
⇒ Par conséquent, en cas de travail discontinu assorti d’une plus grande imprévisibilité ou irrégularité, le contrat de travail intermittent peut également constituer l’outil le plus adapté. Il a pour objet de pourvoir des emplois comportant par nature une alternance de périodes travaillées et non travaillées, dans les entreprises de tous secteurs dont les besoins doivent être adaptés à de très fortes fluctuations de l’activité sur l’année. Il tend également à « assurer aux salariés intermittents une stabilité de la relation de travail », grâce à la conclusion d’un contrat à durée indéterminée, ainsi que « le bénéfice d’un certain nombre de garanties légales » (Circ. n° 2000-3, 3 mars 2000, fiche 17).
Le contrat de travail mentionne notamment les périodes à l’intérieur desquelles il est fait appel au salarié qui ne travaille plus toute l’année, selon un délai de prévenance, ainsi que la durée minimale garantie sur une période donnée.
Dans le secteur de l’enseignement, l’article L731-18 du Code de l’éducation prévoit le recours à cette forme de contrat pour les établissements d’enseignement supérieur privé délivrant un diplôme de grade bac+5, afin de recruter du personnel enseignant ou de recherche.
Au-delà de ces dispositions spécifiques, les articles L3123-33 et suivants du Code du travail prévoient de manière plus large la possibilité de recourir à ce contrat, posant deux conditions de recours :
- Un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement ;
- La délimitation par cet accord des emplois permanents pouvant donner lieu à un contrat de travail intermittent.
A la différence de l’annualisation, il ne peut donc s’appliquer qu’à certains emplois définis dans l’accord, dont la nature implique un caractère intermittent.
Il est également plus strictement encadré : les éventuelles heures supplémentaires réalisées s’inscrivent dans le cadre hebdomadaire et non annuel, selon un volume limité, et l’accord du salarié est requis en cas de changement des horaires de travail.
Ce contrat est notamment prévu par la Convention collective nationale des organismes de formation, en son article 6, pour certaines catégories de salariés. Les catégories non visées par la CCN peuvent également en bénéficier, sous réserve de la conclusion d’un accord d’entreprise.
D’autre part, pour répondre au caractère déterminé de la durée de certains emplois, en cas de besoins ponctuels, différents véhicules juridiques peuvent être utilisés :
- Le CDD d’usage,
- Le Contrat à objet défini, ou encore le Contrat d’opération.
⇒ Des contrats de travail peuvent être conclus pour pourvoir les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité, et du caractère par nature temporaire de ces emplois (article L. 1242-2 3° du Code du travail).
Ainsi, la possibilité de recourir au CDD d’usage est subordonnée au respect d’un certain nombre de conditions :
- L’appartenance de l’entreprise à certains secteurs d’activité définis par décret ;
- L’existence d’un usage constant ;
- Le caractère temporaire de l’emploi pouvant donner lieu à CDD.
Le secteur de l’enseignement est précisément visé par l’article D1242-1 du Code du travail.
La jurisprudence et l’Administration considèrent en outre que seuls les emplois qui correspondent à un enseignement limité à une fraction d’année scolaire, ou à un enseignement non permanent dans l’établissement, peuvent donner lieu à la conclusion de contrats au titre des usages, à l’exclusion de tout emploi de nature permantente dans les faits (Circ. DRT n° 90/18, 30 oct. 1990, § 1.3.2 ; Cass Soc 18 février 1988 n°85-41.281).
Dans ce cadre, l’article 5 de la Convention collective des organismes de formation prévoit les cas de recours suivants au CDD d’usage :
– Actions limitées dans le temps requérant des intervenants dont les qualifications ne sont pas normalement mises en œuvre dans les activités de formation de l’organisme ;
– Activités ne permettant pas de recourir à l’effectif permanent habituel en raison de la dispersion géographique des stages, de leur caractère occasionnel ou de l’accumulation des stages sur une même période.
Ainsi, le salarié recruté dans ce cadre ne doit pas travailler de manière pérenne pour l’employeur : il intervient pour répondre à un besoin ponctuel, en sus de l’effectif permanent.
⇒ En dehors du CDD d’usage le plus répandu dans l’enseignement, d’autres formes de contrats à durée déterminée non spécifiques à ce secteur d’activité, tels que le Contrat à objet défini (sous réserve d’un accord de branche ou d’entreprise), ou encore le Contrat d’opération (sous réserve d’un accord de branche étendu), peuvent être envisagés.
En conclusion, chaque employeur a intérêt à définir, au regard notamment de la convention collective qui lui est applicable, une stratégie claire de recrutement, tenant compte de différents paramètres tels que : l’évaluation du volume de travail requis, de sa prévisibilité, de sa durée, de son caractère temporaire ou pérenne, et du niveau de classification des enseignants recrutés.
Les outils juridiques précités permettent de répondre, dans la grande majorité des cas, de manière précise à chaque besoin identifié, en combinant les dispositions légales de droit commun et celles prévues par les normes conventionnelles applicables.
Adeline LARVARON
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